Voyage vers la mort

Je sais, le titre n’est pas très attirant mais intriguant! Aujourd’hui, je vais vous révéler pourquoi j’ai commencé à voyager. Certaines personnes partent parce qu’elles ont envie de découvrir la liberté, des paysages fabuleux, rencontrer des personnes extraordinaires, s’ouvrir l’esprit.

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Moi je suis partie parce que j’ai peur de mourir.

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Lorsque je dis peur, le mot n’est même pas encore assez fort. Terreur serait plus approprié et « angoisse terrifiante » qualifie très bien ce que je ressens la nuit lorsque je rêve que je suis morte. (j’ai oublié de préciser que cet article ne serait pas l’éclate totale).

Bref, j’ai peur de mourir depuis.. bon aussi loin que mes souvenirs remontent, je suis terrifiée par cette idée. Lorsqu’une angoisse monte, j’ai envie de courir en me tapant la tête contre les murs en psalmodiant « j’ai pas envie de mourir, j’ai pas envie de mourir ». J’ai consulté des psy, des magnétiseurs, bref, tout ce que je pouvais pour dégager ces angoisses, sans grands succès. En plus, les angoisses, tout le monde sait qu’on en parle pas. Peur de passer pour une dingue (et clairement je le comprends), peur de ne pas être prise au sérieux, peur que les gens ne mesurent pas combien ces angoisses me POURRISSENT la vie. Sauf qu’un jour, je me suis lancée dans ce sujet avec des amies et sur 4 que nous étions, nous étions 2 à avoir ce genre de terreur. Du coup je me suis sentis moins seule et surtout je me suis dit que peut-être, nous serions bien plus nombreux à avoir ces peurs que nous puissions l’imaginer.

En France lorsqu’une personne meure, pour l’expliquer aux enfants, on dit qu’elle est partie au ciel. Lorsque j’étais gamine, je le croyais. Jusqu’à temps que je me rende compte que l’Univers est infini (ça aussi ça m’angoisse terriblement mais pas au point de m’empêcher de dormir).

Pour vous expliquer ce que j’avais dans la tête à l’époque:

univers.

Donc en gros, j’imaginais que les personnes mortes étaient au ciel, avec toutes ces âneries de Dieu, Jésus à sa droite, etc. Ma grand-mère est surement pour beaucoup (pour tout en fait) dans ce schéma et je ne suis pas sûre de vouloir la remercier.  Mais un jour (quand j’ai découvert l’infini de l’Univers) je me suis dit.. si rien ne retient mes proches morts, où vont-ils aller? Ils vont errer dans le ciel et se perdre dans l’infini? ça veux dire que moi aussi je me perdrais dans l’infini? A 6 ans, me perdre dans l’Infini sans mon papa et ma maman, je ne vous raconte pas les angoisses que ça m’a collé. Et qui sont encore là. Multiplié par mille.

Bon, je n’ai toujours pas expliqué comme j’en suis toujours venus à voyager à cause de la mort. Un jour, lorsque mes angoisses étaient au plus haut sommet, je me suis dit que vraiment je ne pouvais pas rester comme ça. Qu’il fallait que je trouve une solution pour calmer mes angoisses qui prenaient bien plus de place qu’il ne fallait sur ma vie.

Et là, j’ai finis par me dire.. dans quel endroit de la terre les gens n’ont pas peur de mourir?? Et je vous le donne en mille.. c’était l’Inde! Du coup j’ai pris mon sac à dos et j’y suis allée. A part apprendre que mourir c’est le karma et qu’on se réincarnera jusqu’à temps que notre âme s’élève, ça ne m’a pas touché plus que ça (traverser la route sans regarder à droite et à gauche, se faire écraser et se dire « oh tant pis, c’était le destin » ça n’est pas fait pour moi finalement).

Au vu de cet échec, je n’imaginais pas qu’un autre pays que l’Inde puisse m’aider et j’ai laisser tomber cette quête spirituelle. Enfin, pas tout à fait. Parce que lors de chacun de mes voyages, je me renseigne sur les relations qu’ont les vivants et les morts dans le pays visité. Et j’ai découvert des réponses extraordinaires, qui, même si elles n’ont pas enrayé mes angoisses, les ont bien calmé.

Surtout, j’ai découvert que même à des milliers de kilomètre, sans avoir été en contact (enfin.. de ce que nous savons), la plupart des religions tendent vers l’animisme et le culte des ancêtres (L’animisme est une croyance selon laquelle les objets auraient une âme.).

Le cultes des ancêtres existe presque partout où je suis allée (Sénégal, Madagascar, Vietnam. Pour l’Inde je ne suis pas sûre). Ce culte repose sur le principe que les personnes décédées nous guident tout au long de notre vie et qu’elles peuvent nous aider et bénir nos décisions. Les morts font partis intégrantes de la vie, ils sont toujours à nos côté et lorsqu’un problème survient, il suffit juste de leur demander de l’aide. Les ancêtres ne répondent pas forcément de la manière que l’on souhaite ou qu’on se l’imagine mais on reconnait toujours leur manifestation. Dans tous les cas, il y a des cérémonies et des cultes à respecter. Et dans tous les cas, il existe un moyen pour entrer en communication avec les morts.

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Autel privé honorant la mémoire des morts chez une famille Vietnamienne. Ce jour là, nous honorions l’anniversaire de la mort d’un cousin.

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Cela fait un moment que je songe à écrire sur ce sujet et la semaine dernière, j’ai reçu le numéro aout du National Geographic. (d’où l’idée d’écrire ce papier. Je crois beaucoup au signe à présent). Où il est question d’une île, Célèbes, où la mort n’est pas un adieu. Dans cet article, il est expliqué que les gens de Célèbes n’enterrent pas leurs morts de suite: ils sont plongés dans une solution qui empêche la putréfaction et restent chez eux durant des mois, parfois des années. La mort du corps n’est pas une fin irrémédiable mais une étape dans le processus de la vie.

Lorsque j’ai expliqué cela à mes cousins et cousines, leur 1ere réaction a été de dire « ah non, je ne pourrais pas ».

Je ne suis personne pour juger comment les gens doivent se comporter face à la mort, mais vouloir enterrer une personne décédée en 4 jours, la mettre dans un cercueil, enterrée dans un cimetière où personne ne va plus (et lieu vraiment pas agréable soi-dit en passant) et dire qu’elle est au ciel, quelque part mais on ne sait pas trop où et qu’elle n’a plus d’incidence dans notre vie est-ce vraiment une meilleure idée que de garder les morts à la maison où on les nourris et où l’on continue de converser avec eux, ou encore de les honorer et de les consulter pour les grands moments de l’existence, se dire que quoiqu’il arrive, les morts seront toujours à nos côtés pour nous soutenir et nous guider?

Peut-être que les croyances que l’on avait avant les religions monothéistes étaient plus proche des gens, rapprochaient les vivants et les morts. Les religions monothéistes nous ont éloigné de nos morts et de nos proches, les envoyant au ciel, avec des personnes inconnus, dans l’infini de l’univers ou rejoindre un paradis qui paraît tellement improbable qu’il est difficile d’y croire.

Au Sénégal, à Madagascar, au Vietnam, tous ceux que j’ai rencontré pensait aux ancêtres, à leur défunt, les priait et les consultaient. Ils faisaient partis de la vie et cette idée donne un aspect rassurant à la mort. Bien qu’on le soit, nous avons toujours notre utilité et notre place auprès des vivants.

J’aimerai aussi citer Amanda BENNETT, qui a écrit ce fameux article dans le NG.

« Je réalise que je pose les mauvaises questions. Les Torajas sont sans doute plus proche que nous de la façon dont la mort est ressentie à travers le monde: le désir de rester connecté avec les disparus par le corps et l’esprit; le désir de croire qu’on ne meurt jamais tout à fait; et celui d’avoir un ancêtre ou de le devenir. La question n’est dont pas de savoir pourquoi les Torajas font ce qu’ils font, mais pourquoi nous, Occidentaux, faisons ce que nous faisons. Comment avons-nous pu nous distancier à ce point de la mort, qui n’est après tout qu’une partie de la vie? Comment avons nous perdu le sentiment d’être connecté les uns aux autres, à notre place dans la société et dans l’univers? »

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La mort n’est qu’une partie de la vie et la rejeter loin, l’ignorer, ne pas en parler, en fait quelque chose d’encore plus intriguant et angoissant. C’est terrifiant de se dire qu’il n’y a rien, ou qu’éventuellement on va se retrouver au ciel (bien qu’en tant qu’adulte j’ai dû mal à me le représenter à présent ^^) . Le ciel qui ne représente rien, qui finalement n’a même pas de visuel. Savoir qu’on va rester près de ses proches pour les accompagner et les soutenir, voilà une idée rassurante (pour moi en tout cas).

C’est pour toutes ces raison que lors de mes voyages, je m’intéresse particulièrement à l’aspect de la mort dans la vie des gens.

Je compte écrire un article sur la manière dont la fin de la vie terrestre est perçue dans les pays que je visite. J’ai donc 4 articles à écrire! Ces articles n’auront aucun fondement anthropologique mais s’appuieront sur ce que je savais en partant, sur ce que j’ai appris lors de mes voyages et sur le témoignages de personnes vivant dans les pays visités.

J’espère, à travers cet article et ceux en devenir, pouvoir aider les personnes comme moi, terrifié par l’idée de mourir et cherchant un moyen de se rassurer. Pour les personnes intéressées par le sujet mais aucunement névrosées comme moi, ça pourrait aussi vous intéresser!

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Un jour une personne m’a demandé « mais qu’est ce que tu fuis en voyageant »? Maintenant je n’ai plus honte de répondre « je ne fuis rien, je cherche des réponses ».

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