Eliane, de Madagascar

Cela fait longtemps que j’ai envie de vous parler de cette petite fille de Madagascar. Je ne l’ai pas fait avant, surement par pudeur ou parce que mon action risque d’entraîner des questions ou des attentes auxquelles je ne pourrais pas répondre.

Éliane je l’ai rencontré en 2013 lorsque je suis allée pour la 1ère fois à Madagascar. Je me souviens d’une petite fille constamment en train de sourire, de se cacher de moi et de rigoler en se rendant compte que je l’ai vu. C’est son sourire qui m’a touché, ainsi que son histoire.

C’est la petite dernière d’une famille de 5 (je crois?) enfants. Sa Maman, Germaine, a eu un AVC en 2012 ou 2013. Depuis, elle ne peut plus parler, plus marcher, elle se traine dans sa maison pour aller du lit jusque devant sa porte. A chacune de mes visite, elle pleure parce qu’elle n’arrive pas à communiquer. Qu’est ce qu’on peut faire pour elle? Cette question me poursuivra longtemps.

En 2014, je suis restée 3 mois à Madagascar et j’ai eu le temps de réfléchir. Je voulais vraiment aider Éliane. J’ai parlé de sa Maman mais très peu de son papa et pour cause: il s’est barré faire un gosse à une autre femme. Éliane est donc restée seule avec sa Maman, dans la cabane qui leur sert de maison. Pas de matelas, pas d’oreiller, pas de vêtement: tout ce que les gens lui donnaient pour améliorer son quotidien disparaissaient et réapparaissaient dans la maison de la 2ème femme. Quoi faire alors pour aider sans que cela ne disparaisse? J’ai demandé à Eulalia (la présidente d’ODADI) si nous pouvions aider Éliane.

Éliane n’allait évidemment plus à l’école à l’époque: même si cela coutait 6€ par an, sa Maman n’avait pas de quoi lui payer. Mais le problème n’était pas là. Éliane ne mangeait qu’une fois par jour. Pour étudier, c’est un peu compliqué et pour grandir, ça l’est encore plus. J’ai réfléchis, demandé encore une fois de l’aide à Eulalia et nous avons trouvé un compromis: Niev, la tante d’Éliane, s’en occuperait. Elle qui avait un enfant du même âge ferait à manger à Éliane 2 fois par jours pendant 5 jours, tous les jours d’école. J’ai donc pu faire en sorte d’Éliane mange convenablement pour 6€ par mois et grâce à 6€ par an, elle pouvait étudier. Nous avons bien entendu demandé l’autorisation de ses parents: son père devait être bien content d’être débarrassé et sa maman a pleuré de voir que quelqu’un qui prenait en charge sa fille. Nous avons donné un kit scolaire à Éliane, bref, tout roulait.

Bon c’est sans compter sur les profs qui ne viennent pas faire cours parce qu’ils ne sont pas payés/pensent que Beorana est maudit/ont peur des mauvais esprits. Nous avons donc encore une fois trouver une solution pour que les professeurs restent dans les classes et fassent étudier les élèves.

En 2016, j’ai rendu visite à Germaine et Éliane. Cette dernière n’était pas en cours mais gardait la tripoté des gamins fait par ses frères et sœurs soit environ 8 mômes de moins de 4 ans. ça m’a mise en colère mais là encore, qu’est ce que je pouvais faire?? Elle loupait les cours tout en assumant l’inconscience de sa famille. Ils en avait clairement rien à faire qu’elle n’étudie pas. A Beorana, lorsqu’on est pauvre, on n’essaie pas de s’élever, on fait ce que tout le monde fait: on drague, on fait des mômes avec plein de partenaires différents et après on va pleurer qu’on n’a rien à bouffer. Je veux autre chose pour Éliane. Elle mérite tellement mieux cette petite. ça se voit dans ses yeux (et je suis assez bonne pour savoir ce que les gens valent).

J’ai appris lors de mon séjour que la belle-mère d’Éliane était une vrai saloperie (pardon pour l’insulte mais il n’y a pas d’autre mot) qui l’insulte et la frappe. Éliane est clairement en trop et sa belle-mère espère bien profiter du pognon de son père (qui doit gagner 2€ par jour au lieu d’un) sans que qui que ce soit l’en empêche.

Lors de ce passage, j’ai donc amené des habits pour la petite poulette, de quoi étudier, des photos et une peluche. Lorsque je suis repartie, je lui avait demandé de mettre de beaux habits pour qu’on puisse prendre une jolie photo toutes les deux. Elle avait mis une robe très jolie, elle s’était coiffé et nous étions vraiment jolies! Lorsque je lui ai dit au revoir, parce que je reprenais l’avion le surlendemain, Éliane avait sa peluche dans la main et elle pleurait de me voir partir. A l’écrire j’en ai les larmes aux yeux. Qu’est ce qu’elle a bien pu ressentir pour être triste comme ça? Qu’est ce qui a bien pu traverser sa petite tête et son petite cœur?

Depuis, je lui ai écrit 2 fois, elle m’a répondu en français, aidé par Lydia. J’ai trouvé ça vraiment mignon et touchant. La semaine prochaine elle va recevoir une carte que j’ai fait traduire ainsi qu’une peluche Bourriquet. Je suis sûre qu’elle va l’aimer.

Aujourd’hui, j’ai appris que Germaine, la Maman d’Eliane, est morte. Je suis tellement triste pour ma petite Poulette, je ne sais pas quoi faire pour soulager sa peine et l’aider à surmonter ça. Je ne suis même pas avec elle, ça me fait de la peine.

J’imagine qu’elle va aller habiter avec son père et la garce qui lui sert de belle-mère et ça me fait peur. Comment la protéger contre ces personnes qui vont lui prendre tout ce que je lui offre? Comment être sûre qu’elle va continuer à aller à l’école au lieu de garder ses demi-frères/sœurs?? Comment être sûre qu’elle va être entourée d’amour et de bienveillance?? ça me tracasse vraiment et je me sens bien démunis. Je suis aussi en colère de ne pas avoir fait plus pour sa maman, de ne pas avoir chercher à la faire soigner, à améliorer sa vie. Je me sens impuissante face à tout ça. C’est dans ces moments là que je me dis que ma place est là bas, à Madagascar.

 

 



4 thoughts on “Eliane, de Madagascar”

  • Que dire? Les mamans qui ont eu un AVC et qui pleurent pour s’exprimer…je connais ça. Il y a des destins comme ça qui sont terribles. Heureusement qu’Eliane t’a 😉 Elle sait certainement qu’une personne aussi bonne que toi pense à elle et à son avenir. Tu es certainement la seule ou l’une des rares personnes qui pensent à elle. Courage. Courage à elle. Courage à toi.

    • Il y a des destins qui sont terribles mais il y a aussi des personnes formidables pour surmonter tout ça 😉 Je pense aussi bien à toi.

      • hello Myriam je suis aussi désemparée que toi en lisant ton message N y a t il pas sur l ile proche d elle un foyer une ONG qui pourrai la prendre en charge , come il en existe au Népal?
        en tout cas je suis dispo pour t aider a trouver une solution a distancen..Je voyage un peu plus maintenant et le sort de ces pauvres enfants ne me laisse jamais indifferente Madagascar fait parti de mes projets de voyage depuis tres longtemps …qui sait la suite … il faut faire quelque chose pour cette petite Par les reseaux sociaux lui trouver une autre tutrice? non?
        C est possible la bas? de la sortir des mains de cette famille?

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