De la difficulté de se réintégrer dans son pays

Je pense que souvent je suis orgueilleuse. Je pensais être au dessus de tout le monde, je m’imaginais que le voyage me changerai mais mais que contrairement à certain voyageur je ne me détournerai pas de mes origines. Tu parles.

Un voyage ça change tout. Sur le regard qu’on peut porter sur le monde, sur le fonctionnement de notre pays, de notre système de santé, notre système éducatif, sur nos valeurs, notre famille, nos amis. Sur tout.

Rentrer en France, dans son pays d’origine, c’est se prendre une claque dans la tronche.

C’est se retrouver seule pour se souvenir, c’est avoir l’impression d’emmerder les gens avec notre voyage. C’est l’impression de ne parler que de nos voyages, comme si la vie qu’on avait en France était nul, c’est commencer ses phrases par « A Madagascar/au Sénégal » et avoir l’impression d’être snob.

C’est expliquer aux gens comment ça se passe A Madà, à Kolda en ayant peur qu’ils pensent qu’on essaie de leur faire la morale par rapport à l’éducation de leur marmot ou de leur empreinte carbone ou même de leur condition de vie pas si merdique que ça par rapport à…

C’est passer ses journées à se demander quand est-ce qu’on repars, c’est se demander si l’homme qu’on aime va nous quitter si on repars plus de 3 mois, c’est se demander si notre famille va nous prendre pour un parasite du système qui aime ne rien glander, c’est se demander si nos copines seront toujours là en rentrant.

Voyager c’est aussi rencontrer des gens formidables et les laisser, en se rendant bien compte qu’on a peux de chance de les revoir. C’est connaître des gens et vouloir les faire rencontrer une personne de notre connaissance parce qu’on sait qu’ils vont bien s’entendre sauf qu’un océan les sépare et que vraiment ça n’est pas possible.

Voyager c’est se faire des amies et avoir le cœur qui se déchire lorsqu’on pense à Elle qui est dans la situation inverse de la mienne, qui est habite loin de chez elle, avec son bébé et son amoureux mais qui des fois se sent bien seule.

Voyager c’est perdre des moments entre amies et se rendre compte en revenant en France qu’il s’est passé plein de truc, se rendre compte qu’on ne connait pas si bien ceux qu’on aime, qu’une amie s’est pacsée sans même nous le dire, c’est apprendre par internet le futur mariage d’une autre.

Voyager c’est perdre des moments en famille, c’est apprendre une grossesse par skype et pleurer de bonheur et se dire que même sans nous la vie avance. C’est passer Noël loin des gens qui nous sont chers.

Voyager c’est ne pas avoir de travail fixe et rentrer en France et ne pas en trouver. C’est se sentir inutile, sans même un diplôme qu’on pourrait exhiber et dire « regardez j’ai au moins réussi ça dans la vie!! même si je vis chez mes parents, que je n’ai pas de boulot, pas de voiture et bien je ne suis pas si inutile que ça!!! » C’est avoir des angoisses et les larmes aux yeux en imaginant qu’un jour je devrai faire un travail que je réprouve. C’est être certaine qu’on va tomber malade et en dépression à force de faire un taf qu’on déteste.

Voyager c’est dépenser son argent dans ce qu’on aime et se retrouver sans un kopek pour offrir un bouquet de fleur à sa maman pour la fête des mères.

Voyager c’est avoir le cœur gros à son retour parce qu’on a l’impression d’être de trop ou de ne pas être assez. C’est se sentir chez soi et étrangère à la fois. C’est se demander « comment est ce que je serais le plus heureuse? C’est se demander « est-ce que je repars ou est ce que je prend une maison avec mon amoureux? ».

Voyager c’est se sentir hors du coup, comme si on se voyait « de l’extérieur », c’est changer mais sans trop savoir comment, c’est faire attention à ce qu’on dit, à ce qu’on fait, c’est s’éloigner des gens parce qu’on se rend compte qu’on a plus grand chose en commun et que ça fait mal.

Voyager et rentrer c’est cacher tout ce mal-être à ceux qu’on aime parce que oui évidemment voyager c’est une chance formidable, c’est moi qui l’ai choisis, de quoi tu te plains idiote, des gens ne peuvent pas se permettre ce que tu fais.

Voyager c’est cacher bien des choses aux gens qu’on aime parce qu’on les aime tellement qu’on ne veut pas les faire souffrir.

Voyager c’est rencontrer des gens formidables, des amies du tonnerre et lorsque ça va mal, c’est se retrouver bien seule parce que les horaires ne sont pas les même, ni le rythme de vie, ni les connexions internet.

Voyager c’est ne plus savoir où est sa place (« citoyen du monde » mes fesses oui). Pas tout à fait ici et plus tout à fait là bas. C’est se donner des claques parce que « y’a des gens dans des situations pires que ça alors ne te plains pas ». C’est se mettre la pression pour être bien parce qu’après avoir vu la misère on ne peut vraiment pas se plaindre de notre malaise.

Voyager c’est se demander ce qu’on fait ici, dans notre pays. C’est se demander pourquoi on est revenus, pourquoi des décisions simples paraissent bien compliquée. C’est voguer entre deux monde, c’est ne pas savoir quoi faire de sa vie, c’est voir tout le monde avancer et soi-même rester sur place et ne pas se comporter en « adulte ». C’est se demander comment faire pour gagner de l’argent et repartir. C’est se dire « putain faut que je trouve un travail pour 1 an, je vais finir par pleurer tous les jours tel un chemin de croix ».

Voyager c’est voir plein de système éducatifs/sanitaire et social différent, c’est essayer de se construire avec ça, c’est essayer de regrouper les valeurs qu’on a récolté au fur et à mesure de nos voyages et se fabriquer, se former. C’est ne pas être d’accord avec la manière dont on élève les enfants en France, c’est être en colère contre des lois française qui s’immiscent dans la vie personnelle des gens.

Voyager c’est voir des systèmes monétaires/agricoles différents, c’est être en colère contre toutes les merdes qu’on nous fait manger, c’est être en colère contre tout ces gens qui s’agitent les uns contre les autres alors qu’ils n’ont pas compris qu’à plusieurs on va plus loin, c’est voir les gens accepter leur sort, c’est accepter de les voir se plaindre mais ne rien faire contre ce qui les oppresse.

Voyager c’est se rendre compte que la tolérance n’est pas de mise partout. C’est voir des gens « civilisés » et ayant un système éducatif « avancé » se comporter comme des animaux. C’est voir les hommes s’entre-déchirer à cause de leur religion/couleur de peau/conviction.

Voyager c’est voir tout ce que le monde a de plus moche et ne rien pouvoir faire. C’est se dire qu’on va mourir un jour et que les mêmes problèmes continuerons sans trouver de solution.

Voyager et rentrer c’est difficile. Mais après tout, personne n’a jamais dit que c’était simple.



12 thoughts on “De la difficulté de se réintégrer dans son pays”

  • « c’est commencer ses phrases par « A Madagascar/au Sénégal » et avoir l’impression d’être snob. »

    Purée combien de fois j’ai ressenti ça…

    À mon retour j’ai eu l’impression que plus le temps passait et plus mon voyage s’effaçait comme s’il n’était pas réel et encore je suis chanceux d’avoir partagé ça, pour quelqu’un de seul j’ose pas imaginer.
    Je ne sais pas si tu as ressenti ça mais c’est comme si on avait gouté a la « réalité » et que le monde qui nous entoure ici « chez nous » nous pousse à croire en une tout autre réalité…

    Bref très bel article en tout cas 🙂

    • Merci Thom pour ce message ^^
      Et si!! j’ai bien ressentis que la réalité ici n’était pas celle de l’autre pays. Comme si j’avais vécu dans 2 mondes parallèles. Heureusement que j’ai mes carnets de voyage pour me souvenir de tout ça sinon ça serait dur!!

    • En plus vous êtes partis de votre pays pour un bon moment, le choc sera encore plus rude!! Mais bon au moins en rentrant vous aurez du boulot! Et si vous en avez pas en Belgique, je sais qu’Action Contre la Faim ou MSF recherche des gens diplômés comme vous :p

    • Moi les 1eres semaines ça a été dur à cause du temps et des 20° de différences. Après c’est la recherche de boulot, puis vient le moment où t’as pas de boulot et que tu as peur de pas pouvoir repartir etc.
      ça oscille entre euphorie parce que quand même on a vécu des trucs super et des moments d’abattement total où on se sent nul de rien pouvoir faire.

  • Un article incroyablement Vrai.. Le retour à la civilisation française est terriblement difficile.. Il faut avoir des rêves et des buts, Car rien n’est impossible dans la vie ! La vie commence quand on sort de sa zone de confort, C’est le voyage qui nous construit !!

    • Non rien n’est impossible, il faut juste avoir les finances..^^
      Je pense que beaucoup de personne se construisent sans voyager, qu’on peut vivre sans quitter sa zone de confort et apprendre plein de chose de la vie, seulement il faut aussi avoir le cœur ouvert.
      Je connais pas mal de voyageurs qui n’ont rien appris de leur voyage, tout dépend de l’être humain en fin de compte..

  • Beau billet. Devenir étranger une fois, et on découvre que la solitude (la vraie, celle d’Alfred de Musset dans sa nuit de Décembre) ne nous quittera plus jamais.

  • Bonjour Myriam!
    Tout d’abord, merci de m’avoir fait partager ton blog sur tes voyages…je l’ai dévoré! re-dévoré!!
    Tu as réussie à mettre en mots tous les maux du voyageur passionné (pas celui du touriste).. Je te trouve une aisance pour expliquer des choses que j’ai longtemps ressenti en retour de voyage sans arriver à les exprimer clairement! Alors chapeau l’artiste!!
    Une soirée pour que nos chemins se croisent, merci Ludi! Je trouve ça déjà top…à lire ton blog, je te découvre encore un peu plus avec tes passions, ton école, tes créations…encore un point commun…moi aussi j’ai besoin de toucher, de créer pour m’évader, voyager et me reconnecter aux choses simples…
    Alors encore merci pour ces beaux moments de partages, a bientôt peut etre…je te souhaite un beau chemin de vie 😉

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