Lecture et coloriage, la suite

Il y a quelques mois je vous parlais de l’atelier lecture-coloriage auquel je participait dans le quartier d’Akwedo. Cet atelier s’est arrêté lorsque la municipalité a décidé de détruire le quartier insalubre alors même que les habitants n’avaient pas déménager. Depuis, Caroline B (je distingue parce qu’il y a Caroline I, qui est ivoirienne!) s’est rapprochée d’une association qui essaient de créer des bibliothèque dans les écoles et de laisser ces bibliothèque ouvertes le mercredi après-midi pour que les enfants qui ne viennent pas à l’école puissent quand même en bénéficier.

Nb: Je ne préfère pas vraiment donner le nom de cette association parce qu’il y a certaines méthodes qu’ils emploient qui ne me plaisent pas mais là n’est pas le sujet.

Donc depuis quelques semaines, certain mercredi je vais à l’école qui n’est pas très loin de ma maison pour accueillir avec Caroline B (la française) et Caroline I les enfants. Caroline I est devenue la bibliothécaire principale et est là tous les jours d’école. Le mercredi après midi on vient surtout pour faire des activités créatives, laisser les enfants lire et ils finissent par aller jouer au foot dans la cour.

Je vais à ces activités 1 fois sur 2 parce que certain mercredi il y a une dame qui est bénévole au sein de l’asso depuis assez longtemps qui vient remplacer Caroline B et ses méthodes de management me dérangent quelque peu. Un jour nous faisions des masques et elle élevait la voix contre les enfants enfants parce qu’ils faisaient des trous trop grand pour le masque ou parce qu’ils ne découpaient pas comme il faut. La fois d’après on a fait de la peinture et criait sur les enfants en disant « non, on ne peint pas sur les lignes noirs, on laisse comme ça » ou encore « on ne peint pas sur la table, on fait attention ». Pour certain enfant, c’était la 1ère fois qu’ils utilisaient de la peinture et les pinceaux pour d’autre étaient aussi grand que leur avant-bras. Moi j’étais au milieu de tout ça et je me disais « mais qu’est ce que ça peut lui foutre que les yeux soient trop gros ou qu’ils peignent sur les ligne des coloriage??? Ils ont 4 ou 8 ans! Ils font bien comme ils veulent ». Cette dame restait 1h à chaque fois, je ne l’ai jamais vu faire un câlins aux gamins (dont elle ne demandait même pas le prénom), et répétait (lors de la peinture) « non mais je sais très bien comment ça se passe avec eux » (avec EUX) mais elle se dépêchait de publier sur les réseau sociaux les œuvres des gosses. Bref, elle me mettait vraiment mal à l’aise d’autant plus qu’elle occultait complètement Caroline I qui était là, dans son élément, puisqu’elle est animatrice pour enfant et qu’elle est employée de la bibliothèque. Le grand truc de cette femme c’était « on attends 14h30 pour faire une activité et les enfants ne font rien en attendant (sauf de la lecture). Sauf que j’avais bien remarqué que les gosses adoraient le coloriage, que ça les calmaient et les canalisaient. A mon sens, ça ne coûtait rien de les faire colorier avant que l’activité manuel arrive. J’ai parle donc à Caroline qui me dit qu’elle est complètement d’accord. Je lui demande donc pourquoi elle n’en a pas parlé aux femmes qui viennent (oui parce que cette femme vient avec sa ou ses copines) et elle me répond « tu sais c’est des blanches alors je pensait qu’elles savaient mieux que moi ». Je ne vais pas vous dire que ça m’étonne qu’elle pense ça mais ça m’a brisé le cœur. Caroline a 4 enfants (5 depuis 3 jours!), elle est animatrice et a recueillit des enfants qui n’avaient plus de toit chez elle. Sérieusement, qui mieux qu’elle peut savoir ce qu’un gamin a besoin?! Bon, j’avais décidé de ne pas m’étendre sur les problèmes que je rencontrais avec cette asso mais pour vous expliquer la suite, je n’ai pas trop eu le choix.

Enfant ivoirien qui peint un dessin de boule de Noël dans une bibliothèque.

Il y a 2 jours, je suis donc allée à la bibliothèque avec Caroline B et Jeanine, la remplaçante de Caroline I qui avait eu son bébé la veille. Pour l’anecdote ce bébé devait arriver en janvier et être un garçon. Il est arrivé mi-décembre et c’est une fille. Carline I avait déjà 3 filles! Elle est un peu déçue ^^

Donc ce jour là, mercredi on s’est retrouvé pour 3 adultes avec 14 enfants de 2 à 13 ans. Ressenti 80 gosses. ça a été une horreur. Je me suis comportée comme la femme que je ne supporte pas. Autant avec les bébés et les tout-petits je m’en sors pas mal mais passé 5 ans, je n’arrive pas à gérer. Je ne sais pas comment me faire obéir ni comprendre. Mercredi ça a été le point culminant de mon incompétence pédagogique. J’ai hurlé sur une gamine de 12 ans parce qu’elle étalait des paillettes sur le visage d’une enfant de 6 ans (mais genre.. pas une pincée, une poignée complète de paillette). J’ai dit des choses vraiment méchante parce que j’étais choquée de la voir faire ça, j’ai eu peur pour la gamine (les paillettes dans les yeux bonjour…) et énervée de voir qu’on les avait laisser jouer avec cette merde (pardon mais Trisia Farrelly m’a convaincu). Depuis je me demande pourquoi ce jour là ça a été compliqué, (outre le fait que je ne sache pas gérer des enfants), pourquoi c’est partie dans tous les sens et pourquoi on n’a pas su se faire écouter par 14 enfants.

Je pense déjà que Jeanine n’a pas trop su trouver sa place et comme elle ne devait arriver qu’en janvier, on l’a un peu poussé dans la piscine sans lui demander si elle savait nager. Attention, je ne veux pas faire retomber la faute que sur elle mais comme c’est une locale et nous 2 françaises arrivées depuis 1 ans… Je ne suis pas sûre que les enfants comprennent ce qu’on leur dit. Je me demande si le problème est qu’on parle trop bien le français. Ici normalement la langue officiel c’est le français MAIS à Abidjan 31% de la population ne le parle pas. Et ceux qui la parle c’est… compliqué. En fait c’est un peu comme essayer de comprendre un chti ou un alsacien. On sait qu’il y a une partie en français mais ça ne veux pas dire que c’est du français. Ici exit les pronoms compléments et les formules de politesse. Si vous voulez un fruit, il faut dire à la vendeuse « donne banane là » ou quand on négocie un taxi, il ne dit pas oui ou non, s’il est d’accord il dira juste « faut monter ». Bon je vous avoue que j’ai BEAUCOUP de mal avec ça et avec le fait que lorsque je fais des phrases les chauffeurs de taxi ne comprennent rien (« bonjour monsieur, je vais à m’badon à côté de l’université privée », lui: « hein? », moi: « m’badon, université privé », lui « faut monter »). Et avec les gosses, c’est pareil. Je crois que lorsque je parle, ils ne comprennent pas forcément et du coup.. comment se faire obéir si on ne se fait pas comprendre? Il y a aussi, je crois, l’attrait très excitant de la nouveauté. Dans cette bibliothèque tout est apparu par magie: en 3 semaines il y avait des stylos, de la colle, des centaines de crayons papiers et feutres (très mauvaise idée les feutres…), des centaines de livres, des dizaines de jeux. Et les gamins ne savent plus où donner de la tête. Même en étant 1 par table avec les enfants, on a beau faire un jeu ils se lèvent, vont voir ce qu’il se fait à côté etc. Ils vont sortir tous les jeux un par un, les pièces, les puzzle, déballer, regarder tout ça et ranger parce qu’ils ne comprennent pas ou que c’est trop compliqué. Étant donné que chez eux certain n’ont rien et n’auront jamais rien de tout ça… ça peut expliquer les choses.

Lorsqu’on faisait de la lecture au bidonville, les grands essayaient vraiment de lire les livres ou de terminer leur coloriage. Là ça n’est même plus envisageable de lire un livre tranquillement.

J’ai beau essayer d’être bienveillante, de me dire que c’est des gamins mais quand ils se tapent pour avoir des feutres, quant ils vont en chercher un qui est rangé alors qu’ils ont un pot remplis sous leur nez, quand ils se disputent parce que le coloriage n’est pas le même ou n’est pas celui qu’ils voulaient, lorsqu’ils en mettent PARTOUT, qu’ils ne rangent pas les livres ou qu’ils les malmènent ou quand ils se mettent des torgnoles parce qu’ils considèrent qu’ils doivent être les premiers pour une activité… je n’y arrive pas.

Je sais que ces gosses sont constamment confrontés à la violence: à l’école ils se prennent des beignes, leur maison est détruit par les bulldozer, ils se font taper dessus par leur parents, leurs voisins quand ils n’écoutent pas (mais taper… vraiment taper, pas une gifle. Là je parle de coup répétés), la police abuse de son pouvoir, les hommes de 20 ans tournent autours des gamines de 12/15 ans et finissent pas les « enceinter » (c’est le terme ici). Moi je dirais plutôt violer mais ça n’est pas trop dans le langage en CI.

Bref, les gamins vivent dans une société violente (pas étonnant que ça se termine à coup de machette parfois) et forcément ils le sont à l’école, à la bibliothèque etc.

Je ne sais pas comment endiguer ça et je me doute que ça n’est pas en venant 1 fois 3heures tous les 15 jours que je vais pouvoir les aider mais je ne sais pas comment me faire obéir autrement qu’en criant et en tapant du poing sur la table.

Sérieusement si quelqu’un a une solution, je veux l’entendre. Là je suis vraiment désemparée.

ps: j’ai écrit cet article un soir, parce que je me questionnais beaucoup et je ne l’ai pas fait relire. Il se peut (c’est même certain) qu’il y ait des fautes. Pardon d’avance!



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