La vie courante à Abidjan

Comment payer ses factures?

Cette partie de la vie courante m’inquiétait un peu. Je savais que pour payer ses factures il fallait en général se rendre au bureau de la société concernée (eau, électricité, internet) et faire de looooongues heures d’attentes avant de pouvoir payer son dû. Ça, c’était avant « Orange Money »! A présent on peut ouvrir un compte Orange Money (ou Wave) avec son téléphone portable, déposer de l’argent sur son compte et le tour est joué ! Pour déposer de l’argent, il suffit d’aller dans l’une de ces petites cahutes qui pullulent le long des routes, de donner autant d’argent qu’on souhaite, le « guichetier » va prendre le numéro de téléphone et avec son téléphone, envoyer de l’argent dessus. (Je ne sais pas si je suis très claire ?!).

C’est vraiment génial ce système parce que non seulement on peut payer son eau, son électricité, internet mais en plus on peut envoyer de l’argent à des proches ou payer sa couturière. Ça permet également aux vendeuses informelles (sous-entendu, celles qui ne sont pas déclarées et qui vivent de petits boulots) de déposer leur argent sur un compte sécurisé. En effet, ouvrir un compte bancaire coûte cher ici et les femmes vendeuses de fruits/légumes ou d’eau se trimballent avec leur argent tout le temps. J’ai rencontré une femme qui non seulement s’est fait voler sa marchandise mais en plus s’est fait voler son argent (120 000 fcfa soit 180€…). A présent qu’elle a un compte Orange Money, elle est plus sécurisée.

Quel est le coût de la vie?

Durant mes voyages, il est vrai que je n’ai jamais trop noté mes dépenses et la valeur des choses. J’aurais dû ! Ça donne une idée de la vie courante, de la manière dont vivent les gens et ce qu’ils peuvent se payer.

Cette fois-ci, j’ai un petit carnet où j’inscris la valeur de ce que j’achète (pour connaître l’inflation c’est pas mal aussi). On achète pas mal de chose dans un magasin « Casino » mais également dans l’épicerie en bas de notre immeuble (où on ne trouve pas tout mais où on peut acheter, chose étonnante, du jus d’orange/carotte dans une bouteille en verre). On privilégie ça à présent, (les bouteilles en verre sont réutilisées) ou à la vendeuse de légumes située dans la rue derrière chez nous.

En magasin:
1 litre de lait entier : 1,84€
1 litre de lait demi-écrémé : 0,84€
Mayonnaise marque casino : 3,14€
Une demi baguette : 0,30€
Une boite de thon : 3,26€ (ouais… ça pique !)
Une plaquette de beurre 250 grammes : 2,53€
20 ml de crème : 1,80€
75 cl de vinaigre balsamique : 2,40€
400 ml de lait de coco : 3,5€
Une boite de Golden Grams : 4,95€
Un poulet cuit : 5,85€ (ils sont minuscules par contre)

A la vendeuse de légumes
3 carottes : 0,67€ (mais parfois on trouve la carotte à 100 francs soit 0,15€)
3 tomates : 0,30€
1 avocat : 0,37€
2 petites salades : 0,30€

Chez l’épicier
1 petite boite de thon à l’huile: 0,15€
5 litres d’eau: 1,5€
1 litres de jus d’orange/carotte ou mangue: 1,5€
1 litre de lait demi-écrémé : 1,5€ (plus cher qu’en magasin)
500 ml de Fanta : 0,80€

L’aménagement
1 table et 6 chaises : 525€
1 meuble télé : 113€
1 table basse : 93€
1 frigo de 125 litres : 195€

Se loger

Si vous avez lu l’article sur notre arrivée à Abidjan, vous savez que trouver un logement est compliqué et très cher. Il y a quelques années, les agences immobilières poussaient même le vice jusqu’à demander 11 mois de loyer d’avance !!! Le gouvernement a mis le hola et a interdit cette pratique. Les agences ne peuvent plus agir ainsi. Elles ne peuvent demander qu’au maximum 4 mois (plus le mois pour elles). Certains ivoiriens m’ont avoué avoir été obligé de faire un emprunt à la banque pour louer un bien.

A qui la faute ? Aux grosses entreprises étrangères qui louent des logements (voir des immeubles entiers) pour leurs employés et qui mettent 1 an de loyer d’avance sur la table. Comment les autochtones peuvent-ils rivaliser avec ça ?

Vivre comme un ivoirien

J’ai rencontré il y a peu Issa, un gardien. Ici tous les immeubles, les entreprises ou les grosses maisons ont des gardiens. Issa bosse pour une entreprise française. Il gagne 130 000f fcfa / mois (soit 195€). Les taxes et autres impôts, prélevés de son salaire, lui retirent 39 000 fcfa (environ 60€). Il lui reste donc 91 000 fcfa pour vivre (136,5€). Le loyer lui coute 30 000 fcfa/ mois (45€) mais comme il habite loin du travail (il part le matin à 4h pour être sur place à 7h et le soir, avec les embouteillages, il rentre à 22h. Il m’a raconté ça avec le sourire) il doit prendre les transports en commun, ça lui revient à 30 000 fcfa par mois. Il lui reste donc 31 000 fcfa pour acheter à manger, payer l’école et les fournitures de son fils, payer pour sa santé et se vêtir.

Issa était content de me dire qu’il avait (enfin) un contrat indéterminé et qu’il allait demander à son employeur un emprunt afin qu’il puisse louer une maison plus près de son travail.

Dans cette entreprise, les expatriés ont un salaire de minimum 2 000€ net. Ce garçon ivoirien, qui travaille du lundi 7h au samedi midi touche 136,5€.

Je ne sais pas si ça vous révolte mais moi oui. Comment l’État ivoirien peut-il laisser passer ça ? Comment les entreprises étrangères peuvent-elles se sentir à l’aise avec cette politique ? Et je ne vous parle pas des ingénieurs ivoiriens qui sont payés moins que des expatriés ayant le même niveau d’étude qu’eux.

Après avoir travaillé avec des associations autochtones et avoir travaillé sur le développement humain et social, je sais, on sait tous, que le développement vient avec une hausse des salaires et l’investissement dans un pays.

Je m’explique. Si vous augmentez le salaire d’Issa il pourra :

  • acheter à manger et diversifier sa nourriture (donc avoir une meilleure santé et faire vivre l’économie local en achetant aux vendeuses de rue)
  • envoyer son fils à l’école plus longtemps, donc permettra à l’école d’embaucher un professeur (donc le faire vivre à son tour ainsi que sa famille) et faire en sorte que son fils puisse faire des études supérieures, donc qu’il puisse avoir un meilleur niveau de vie
  • se soigner donc payer un médecin, avoir accès à des médicaments (et faire vivre un pharmacien) et vivre mieux (ce qui lui permettra de travailler et donc de subvenir à ses besoins)
  • économiser de l’argent et investir dans un logement ou une entreprise (et donc faire tourner l’économie)

Ainsi, on peut se rendre compte que garder des pays en voie de développement pauvre est une vraie volonté : volonté du gouvernement (des gens qui se demandent comment manger dans la semaine ne remettent pas le régime en question, ils ont mieux à faire), volonté des entreprises étrangères (moins ça coûte cher, mieux c’est), volonté des États étrangers (avoir des gens qui ne vont pas à l’école et qui ne sont pas éduqués permet de truquer des élections, de mettre en place des dirigeants malléables et de pouvoir piller exploiter les ressources dudit pays).

Les ivoiriens ne vivent pas bien. Le Smic est à 90€ par mois et personne ne peut vivre ici avec ça. C’est d’ailleurs aussi une des raisons pour laquelle les gens vivent nombreux dans un même endroit : ça permet de partager les frais.

Les entreprises étrangères exploitent ce qu’il y a à exploiter ici : les gens, gens qui veulent aller dans ces pays étrangers pour mieux vivre puisque ça n’est pas possible dans leur pays et, une fois arrivés dans ces pays étrangers, se font exploiter en bossant au noir ou en faisant du travail de merde (non, faire le ménage dans des hôtels ou des chiottes n’a rien de gratifiant, je sais de quoi je parle). Après on s’étonne des vagues d’immigration et des tensions qui en résultent.

Peut-être devrions nous remettre en question l’exploitation que nos entreprises font dans ces pays en voie de développement ? Çà aiderait tout le monde !



1 thought on “La vie courante à Abidjan”

  • Merci de nous faire connaître le mode de vie des ivoiriens.
    Il y a de quoi se décourager un peu.

    En France on ne devrait pas se plaindre. . Bon courage à vous 2 et à bientôt pour de nouveaux témoignages

    Martine

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